Pourquoi n'aime-t-on pas les écologistes ?

Publié le 17 septembre 2024
Rédigé par 
durnezau

Pourquoi n’aime-t-on pas les écologistes ?
Des années de militantisme, d’alertes lancées. Cela a servi à quoi ? La biodiversité s’effondre. Cette année, des personnes sont mortes au Pakistan, à la Mecque à cause de la chaleur. La méditerranée est surchauffée. Nous n’avons jamais eu aussi chaud dans le monde.
Ce qui a été annoncé il y a 15 ans par les climatologues arrive aujourd’hui. Désormais tout le monde sait qu’il y a une crise écologique majeure

Et pourtant des campagnes de haine et de réactions virulentes se sont déversées depuis des mois vers les écologistes. Pourquoi tant de haine de la part de ceux qui veulent pourtant que la planète reste habitable ?
L’effort à faire, ou pas ?
Nous sommes en face de défis colossaux pour les années à venir, si nous voulons sauver le climat, protéger la biodiversité et contenir les pollutions. Et pourtant du déni, des moqueries, du rejet.
Et à chaque fois, des mesures sont proposées : diminution des pollutions, du CO2, des pesticides, fin de l’artificialisation des sols, arrêt de production de produits toxiques, etc… Dans de nombreux cas, il faut apprendre à renoncer ou réduire de manière collective et massive. Changer de mode de vie passera de nombreuses petites étapes.
Mais il est vrai que chaque mesure prise individuellement demande un effort qui peut se montrer désagréable.
Prenons trois exemples :
Renoncer aux voitures les plus polluantes. Je peux en parler puisque je suis le propriétaire d’une voiture ancienne. Des restrictions de circulation apparaissent dans de nombreuses villes (Anvers, Bruxelles, Lille, etc..) avec des zones de basse émission (ZBE ou LEZ). Je connais de nombreux propriétaires de voitures anciennes qui apposent l’autocollant ‘F**K LEZ’ et crient leur haine des écologistes.
L’agriculture émet énormément de gaz à effet de serre (17% au niveau mondial) et plus précisément la production de viande de bœuf et de mouton émet énormément de méthane. Il est recommandé de diminuer sa consommation de viande, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour sa santé. N’oublions pas qu’énormément de terres agricoles, ici et ailleurs dans le monde sont utilisées pour l’alimentation du bétail, ces cultures demandent parfois un traitement intensif (pulvérisations, irrigation). Notre blé qui pousse ici ne sert presque jamais à faire du pain ou de la farine, mais à nourrir les animaux que nous allons manger. Ici les agriculteurs sont en colère et nombreux d’entre eux détestent les écologistes. Pourtant souvent les écologistes veulent maintenir à tout prix une agriculture locale et de qualité qui permettrait d’augmenter leurs marges et leurs revenus.
Idem pour toutes les entreprises qui doivent prendre des mesures de tri ou diminuer leur pollution.
Idem pour les amateurs de viande ou du barbecue, qui se moquent ou traitent de tous les noms ceux qui osent remettre en question leurs habitudes.
Dernier exemple : l’avion. Il représente 4% des émissions de CO2 au niveau mondial. La plupart de ces déplacements sont destinés aux loisirs (le tourisme compte pour 8% gaz à effet de serre : transports par avion, paquebots, etc… et création d’appartements, d’hôtel, parcs, etc…). Dans le cas de l’aviation, osez dire qu’il faut moins voyager et vous verrez immédiatement une levée de boucliers. Les objecteurs répondent comme si leur vie en dépendait (alors que 80% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion). Et puis dans quelques années, il y aura l’avion zéro carbone, et puis il existe des compensations carbone… Bref, les écologistes sont des emmerdeurs de voyager en rond.
Par ces trois exemples, nous voyons que nous touchons à une dimension émotive, à un attachement profond, à un déchirement difficile de ses habitudes. Et la réaction est tout aussi émotive, car il s’agit d’abandonner parfois des choses que l’on aime bien. Pour chacun, une chose qu’il affectionne devra être abandonnée (dans mon cas, j’avoue que mon métier dans l’informatique et l’intelligence artificielle me fait vivre, et je me pose des questions sur son impact écologique). Mais à chaque fois, le bouc émissaire est l’écologiste, pas le pollueur.

L’écologie semble populaire, mais l’écologiste est détestable.
Pourquoi ? Parce qu’il représente une frustration : je ne peux pas vivre comme je veux, comme je l’ai toujours fait, comme la société ou la publicité me dit de faire.
Pourtant il suffit de penser à des évolutions passées qui ont également soulevé des émotions : mettre fin à la colonisation des pays africains ou supprimer l’esclavage empêchait de s’enrichir facilement, remplacer les gaz fréon qui trouaient la couche d’ozone, supprimer l’essence sans plomb, arrêter de fumer n’importe où, … À chaque fois, nous avons eu droit à des oppositions de groupes dominants : les esclavagistes qui ont prétendu que tout allait s’effondrer, les industries qui ont créé le doute sur le fréon ou les effets de la cigarette, etc. Et aujourd’hui, d’autres grands groupes et lobbies défendent leurs intérêts en jetant le discrédit sur les écologistes (sociétés pétrolières, aériennes, publicitaires, agro-industrielles, …). Ce qui étonne, c’est que cette haine des écologistes trouve un écho, probablement parce qu’il s’agit de changer profondément ses habitudes et qu’il est plus confortable de ne rien faire.
Quand il s’agit de changer, une partie significative de la population semble tout à fait à l’aise avec l’idée que les écologistes sont, irrévocablement, des personnes abjectes qu’il faut liquider pour le bien-être de… l’économie ? Après tout, ces « méchant(e)s écologistes », c’est vous, c’est moi, c’est quiconque a envie d’un monde où il faut bon vivre. Nous n’allons jamais plaire à ceux qui profitent de sa destruction. Pendant mes études, j’en ai beaucoup appris sur ces lobbies et je pourrais vous en raconter bien plus que dans ces lignes.

Les trois approches pour un monde plus vivable
Mais revenons au renoncement, est-ce que le fait que mon loisir, mon beefsteak, mon voyage va m’empêcher de vivre ? Est-ce que la violence verbale, les menaces vers les écologistes vont rendre notre planète plus vivable ? La nature même de ces problèmes demande qu’on cherche plutôt à prévenir, ce qui force les écologistes dans un rôle de Cassandres qui n’est pas joyeux et finit par déplaire. Aussi, ce n’est pas tellement que les gens sont contre l’environnement, c’est surtout qu’ils sont mal à l’aise avec les activistes qui représentent la cause. C’est l’identité, la perception qu’on a des écologistes, ils sont différents parce qu’ils ont souvent fait le pas vers autre chose.

Et être différent (autre style de vie, autre religion, autre couleur de peau), cela peut déranger. Ce n’est pas par hasard que les militants d’extrême droite (Vlaams Belang, Rassemblement National, etc…) sont aussi très souvent anti-écologistes, en plus d’être racistes.
Cette résistance au changement est un phénomène complexe mais on peut dire qu’il y a une part liée à la nature abstraite des problématiques environnementales. Nous ne voyons pas le problème, mais parfois nous commençons à le ressentir (grosses canicules, pluies intenses, disparition des insectes).
Aussi, à côté de cette frustration, l’excuse est que cela ne signifiera grand- chose pour la planète. L’argument est aussi courant que les écolos représentent des taxes. Ou que les écolos ne font pas mieux que les autres. Mais ce sont d’autres préjugés que l’on peut facilement démonter.
Pourtant, faire des choix, dire « non », devoir refuser de « superbes offres »… c’est faire preuve de force de caractère.
Face à des choix dans une perspective écologique, trois approches sont nécessaires. Et il faut commencer dans cet ordre : Renoncer, Réduire, Compenser.
1. Renoncer : Ai-je vraiment besoin de ce loisir qui nous est imposé par la publicité (ne dit-on pas que la publicité fait « dé-penser ») ? Dois-je avoir ce beefsteak chaque jour dans mon assiette ? Dois-je partir voir ce pays que tout le monde veut aussi aller voir ? Dois-je choisir cet objet bon marché et à la mode sur internet, mais qui est hyper polluant ? Pourquoi n’attendrai-je pas 30 jours avant de me décider de l’acheter pour voir s’il est réellement nécessaire ? Entretemps, j’aurais épargné. Tout cela, c’est apprendre à faire preuve de sobriété. Beaucoup d’entre nous ont déjà été capables de choisir cette approche un jour. Pour ceux qui n’aiment pas le mot à connotation parfois négative, c’est être capable de faire preuve de satiété : apprendre à se satisfaire de ce que l’on a déjà.

2. Réduire : Au lieu d’acheter mon morceau de viande par habitude dans le supermarché, pourquoi ne choisirai-je pas d’en acheter un peu moins souvent mais de meilleure qualité chez mon boucher ou chez l’agriculteur local ? En faisant ce choix, vous faites également un geste plus juste. Pourquoi n’irai-je pas faire une balade dans les environs, cela me coutera moins cher et prendra moins de temps qu’un long voyage. Nous réapprenons ainsi à savourer la vie d’ici. Pourquoi acheter l’outil spécial que l’on utilise qu’une fois par an, pourquoi ne pas se le partager entre voisins, amis, famille ? Cela permet de aussi de bâtir des solidarités.

3. Compenser : si une action ne peut être évitée, il est possible de compenser. C’est ce que proposent les compensations carbone des vols en avion (en plantant des arbres). Cette solution est à prendre en DERNIER lieu voire à éviter, car l’effet de compensation arrive bien plus tard, voire trop tard, ce n’est pas une baisse des émissions carbone. Il est mieux de passer par les étapes 1 et 2.
Lorsque nous sommes capables de réfléchir dans cet ordre, un autre effet apparait : une incroyable sensation de liberté et de contrôle sur sa vie. Et qu’est-ce que la liberté, sinon qu’une approche du bonheur ? Au contraire La publicité prétend nous donner la liberté, mais ne nous soumet-elle pas ? Là aussi je pourrais vous en parler plus longuement…

Ce qui fera vraiment la différence, c’est quand on arrêtera de tourner en rond. De se raconter des histoires, de réagir comme des enfants et de prendre contrôle sur sa vie et notre avenir.
En réalité, on sait à peu près tout ce qu’il faut faire. C’est juste qu’on ne veut pas le faire et pourtant chaque geste compte : celui des gouvernements (qui doivent montrer l’exemple), des multinationales polluantes (qu’il faut forcer par des règles), des entreprises, des personnes et des collectivités.
Il s’agit de comprendre, et non de créer de la haine envers les écologistes. On reproche donc aux écolos qui veulent ci, qui veulent ça pour protéger notre avenir. Excusez-nous que nous voulons que la planète reste habitable. On est vraiment désolés. Mais ce n’est pas MON problème, ce n’est pas le problème des Écolos. Ce n’est pas mon climat, mon Gulf Stream ou ma barrière de corail, mon eau polluée ou mon cancer. C’est NOTRE problème, à TOUS.

Jean-Philippe Charlets,
Candidat aux élections communales.